La Femme jalouse paraît anonymement à Paris en 1790. Ce roman épistolaire est l’œuvre de Joseph-Alexandre de Ségur (1757-1805). Il n’avait pas été réédité depuis le XVIIIe siècle.
Flora Amann (doctorante, Université de Montréal / Université de Paris IV-Sorbonne) et Benoît Melançon (professeur, Université de Montréal) vienennt d’en proposer une édition. Ils croient que la Femme jalouse mérite un meilleur sort que celui que lui a réservé l’histoire littéraire. Le public jugera.
Ci-dessous, deux autoportraits du personnage de la Baronne.
Ne vous en prenez qu’à moi, si le Marquis ne va pas à Paris ; il y serait déjà s’il eut suivi son désir ; et j’avouerai à ma honte, qu’il n’a pas donné à mon amour-propre, la jouissance légère de le voir balancer un moment. Il reste, mais c’est la complaisance et non l’attrait qui le retient. J’obtiens avec peine par mes prières, ce qui faisait autrefois le bonheur de votre ami ; il se détache de moi, Chevalier… et nous prépare des jours bien malheureux. Vous me connaissez trop pour croire que je veuille augmenter le nombre de ces lâches victimes qui se laissent immoler aux caprices de l’inconstance ; si son amour finit, mon empire doit commencer ; il sentira le poids de sa chaîne ; en un mot mon sort est lié au sien pour la vie. S’il oublie les sacrifices qui doivent à jamais m’assurer ses soins, je saurai les lui rappeler. Je consens à devoir à l’exigence, à la crainte, ce qu’autrefois je devais à l’amour. N’importe à quel prix j’obtienne ce que je désire ; que votre ami me reste, c’est assez ; ma gloire m’est aussi chère que mon bonheur (lettre III).
Vous me connaissez trop pour croire que le moindre remords puisse pénétrer dans mon âme ; je jouis au contraire de mon crime. J’admire en moi l’art profond par lequel je trompe à la fois mon amant et son ami, en préparant tout pour les perdre l’un et l’autre. Vous connaîtrez jusqu’où peut aller la vengeance d’une femme offensée… Je pars demain ; si le Marquis balance un instant à me suivre, c’en est fait, je ne garde plus aucuns ménagements, et j’accomplis mes affreux projets que cette nuit heureuse vient d’assurer. S’il consent à me suivre, peut-être ma tendresse pourra lui pardonner… Cependant, nous devons tout prévoir… (lettre CXXIV).
Référence
Ségur, Joseph-Alexandre, vicomte de, la Femme jalouse, édition présentée et commentée par Flora Amann et Benoît Melançon, Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 245 p. ISBN : 978-2-923792-63-7.
Illustration de la couverture
Charles Ange Boily, «Funeste effet de la jalousie», gravure, deuxième moitié du XVIIIe siècle / début du XIXe siècle, 180 mm par 114 mm, Rijksmuseum (Amsterdam)
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