il faut fermer les usines porcines
ils détruiront encore nos maisons de paille et de bois
ils souffleront dessus y mettront des mites des ogives
des coquerelles
nous ne nous réfugierons nulle part
tant pis pour la foudre le feu le souffle des loups
les demeures de pierre c’est pour les chickens
nous nous devons de voir à travers les murs
nous ne craignons pas la dévoration
nous creuserons le sol on a des bras pis des jambes
on n’est pas faits en chocolat
s’il ne reste plus de tronçons
d’histoires pour nous tenir au chaud
nous découperons la peau des morts
du même carnage qui nous charge
la peau de nos sœurs de nos frères
qui ne leur sert plus à rien
nous en ferons des bouées de sauvetage
des manteaux
à même leur chair
nous dresserons nos friables palaces de gencives
et de dentelle
peut-être jamais
tu comprendras quand tu auras
ta propre marmaille
scrabble
de nouveau nous avons parlé de nos prénoms je sais pas pourquoi je m’appelle mary-claude avec un y a dit mary-claude et pas marie-claude comme tout le monde je comprends pas mes parents parlent pas un mot d’anglais les épais et jade tremblay a dit est-ce que j’ai l’air d’une jade tremblay avec ma face de viet c’est comme dire hola je suis adoptée sans prononcer un mot c’est cliché c’est boring et je suis pas cliché ni boring qu’elle a dit moi j’ai raconté encore une fois cette anecdote de quand j’étais kid durant des années j’ai écrit mon prénom claudie puis klaudie puis clodie mon vœu était de changer mon nom de famille huberdeau-drouin c’est laid hudreault c’était mon nom j’avais décidé plus court au moins je choisissais reine de mon propre royaume sans sujet et puis après nous avons parlé d’autres choses et je ne sais plus qui de nous trois a dit d’une manière sentencieuse que peu importe les noms que nous portons ça ne change pas nos histoires que nous resterons les enfants de nos parents quoi qu’il se passe et nous nous sommes toutes trois senties très découragées très petites peu importe la distance que nous mettons entre eux et nous nos parents toujours en nous jamais nous ne perdrons l’envie d’être bercées notre besoin de consolation est impossible à rassasier
anonyme (forum parents malgré tout)
c’est qu’il est si vivant dans son berceau
si agité si grouillant
c’est qu’il m’a tout volé de ma vitalité
désormais dans mes artères des gravats voyagent et
heurtent
à chaque respiration les parois de mes veines
l’oxygène est partie de son bord à lui il ne m’en reste plus
non exhaustif
des parents séparés
du sextage
de la consanguinité
l’enlèvement parental
être l’autre fille
alesse
des mères dépressives
yoopa
des relations à distance
pas se faire rappeler
tinder
du sexe anal
la vitre du char fermé et la petite dedans au soleil
youporn
ça ne fait pas des enfants forts
à la clinique
arrêter de pleurer
mademoiselle
manifestement
vous êtes très fertile
vous en aurez d’autres quand
vous serez prête
Chloé Savoie-Bernard est doctorante au Département des littératures de langue française de l’Université de Montréal. Les poèmes qu’on vient de lire sont tirés de son premier recueil, Royaume scotch tape (Montréal, L’Hexagone, 2015).
Photo de l’auteure par Youssef Shoufan
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